Tout est dans le détail. L’actualité sur l’accord trouvé, au plan européen, pour un plan de relance de 750 milliards d’euros dans les prochaines années, a surtout été marquée, médiatiquement, par « l’affrontement » entre Merkel-Macron et le groupe des pays dits « Frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Autriche, Suède et Finlande) qui n’ont eu de cesse de réduire le montant alloué dans le cadre de ce plan de relance. De 500 milliards envisagés initialement, nous sommes tombés à 390 milliards. Mais un aspect ne semble pas avoir beaucoup préoccupé la presse, ce sont les conditions d’utilisation des fonds de ce plan de relance.
Or, les conclusions du sommet stipulent expressément que les demandes des États, pour accéder aux fonds du plan de relance, doivent s’inscrire dans le respect des critères du « Semestre européen ». Derrière cet intitulé assez anodin se cache en réalité une véritable machine de guerre libérale, instaurée depuis 2011. Le Semestre européen s’articule autour de trois axes de coordination des politiques économiques ainsi présentés sur le site officiel de l’UE :
• « les réformes structurelles, qui visent principalement à promouvoir la croissance et l’emploi conformément à la stratégie Europe 2020 ;
• les politiques budgétaires, dans le but d’assurer la viabilité des finances publiques conformément au pacte de stabilité et de croissance ;
• la prévention des déséquilibres macroéconomiques excessifs. »
C’est au nom de ces critères du « semestre européen » que la Commission Européenne a, entre 2011 et 2018, invité à 63 reprises, les États à réduire leurs dépenses de Santé. C’est au nom de ces critères qu’elle n’a eu de cesse de recommander la « réforme du marché du travail », ou dit de manière plus claire la « casse des codes du travail ». C’est toujours avec ces critères qu’elle n’a cessé de demander la privatisation des services publics. Et pour bien enfoncer le clou, un pays doit avoir l’imprimatur de la Commission Européenne et d’une majorité qualifiée pour utiliser ces fonds…
Cerise sur le gâteau, le fond ne sera pas alimenté par la Banque Centrale Européenne à taux zéro, mais par un recours sur les marchés financiers… Ce plan de relance va servir de prétexte pour mettre en œuvre des politiques libérales dont on sait pertinemment qu’elles nous mènent dans l’impasse.
Robert Injey