Ce dimanche, pour la première fois, j'ai voté contre le projet de base commune proposé au Conseil National. La dernière fois, en 2016, j'avais voté pour, sans enthousiasme, mais avec une dernière once d'illusion. Là, après la séquence 2016-2017 et alors que nous sommes confrontés à des défis énormes pour notre peuple et le devenir d'une force communiste dans notre pays, le projet de base commune n'est pas au niveau des attentes et des enjeux.
Il y a beaucoup de sujets qui posent question dans le texte adopté, sur les dominations, le projet, ou bien encore les transformations du Parti (évoquées à chaque congrès comme une incantation). Deux autres questions me posent un problème particulier. Celui du bilan que nous portons sur la période écoulée, et la question stratégique.
Sur le bilan, l'autosatisfaction et le déni ne sont plus de mise. En politique le déni est mortifère. Je ne développe pas plus, en mars j'ai rédigé une contribution sur la question (http://www.robertinjey.com/2018/03/c-est-le-moment.de-sortir-des-non-dits.html ) ..
Sur la stratégie, une nouvelle fois, malgré une avalanche de qualificatifs et un grand nombre de circonvolutions, le projet adopté par le Conseil national occulte le vrai débat stratégique : "Se rassembler pourquoi faire et avec qui ?". Conséquence, nous ouvrons une nouvelle fois la porte à la multiplication des stratégies à géométrie variable ce qui nous rend tout à la fois inaudibles et inopérants.
Aujourd'hui nous sommes à la croisée des chemins... Notre affaiblissement, le total très faible de l'ensemble de la gauche et le rouleau compresseur des contre réformes libérales peuvent plonger durablement notre pays dans la régression sociale. Plus que jamais il faut poursuivre les débats, mais il faut le faire en permettant aux communistes de choisir et de décider une orientation claire.
Avec d'autres camarades du Conseil National, après ce CN nous avons rédigé la déclaration ci-dessous.
Très fraternellement
Robert Injey
(Détail du vote : membres du Cn : 170, votants 91, pour : 49, contre : 26, abs : 16. Publication du projet de base commune mercredi dans Communistes, le supplément de l'Humanité)
Déclaration après le Conseil national du PCF 3 juin 2018
Réinventer le communisme ou disparaître, c’est maintenant
Le texte d’orientation politique que la direction du Parti vient d’adopter en vue du 38ème congrès nous inquiète profondément. Face au risque très réel de disparition du communisme de la scène politique, l’objectif de ce congrès « extraordinaire » était de le « réinventer » afin de lui donner une figure offensive, attractive, adaptée à notre époque et tirant les leçons du passé. Nous découvrons avec stupéfaction qu’il n’en est rien. Le fait même que nous nous trouvons dans une situation politique, électorale et militante grave et douloureuse est tout simplement passé sous silence. Pas un mot non plus sur le fait qu’une nouvelle force politique a réussi à rassembler l’essentiel de l’électorat qui nous restait fidèle. C’est un véritable déni de réalité.
Le résultat est un texte que nous aurions pu écrire pareillement il y a dix ou vingt ans pour un congrès tout à fait ordinaire. Il n’apporte aucune proposition nouvelle sur la conception même du communisme ni sur celle d’un processus révolutionnaire adapté au capitalisme mondialisé d’aujourd’hui. Il abandonne dans les faits toute idée de construction politique à gauche alors que le rassemblement des forces de transformation sociale est plus nécessaire que jamais pour redonner un objectif et un espoir politiques aux luttes qui se multiplient et cherchent à converger. Il ne propose aucun changement réel de l’organisation du Parti qui resterait donc demain aussi verticale et centralisée qu’aujourd’hui. Au fond, il suffirait de continuer comme avant.
Nous nous refusons à cette apathie au moment où notre peuple et beaucoup d’autres secouent leurs systèmes politiques à la recherche d’une issue à la crise de près d’un demi siècle qui les écrase. Il faut dépasser les divisions qui stérilisent le mécontentement populaire et font monter les forces sombres du nationalisme et de la haine de l’autre. L’heure est à l’invention, à l’audace, à l’ouverture aux autres. Il faut à tout prix rassembler. Faute de quoi, nous verrons grandir jusqu’au sein du parti la tentation identitaire du repli sur soi et la nostalgie du passé sans autre perspective que celle d’un dramatique solo funèbre. Pour nous, pour notre peuple, pour le mouvement révolutionnaire qui attend légitimement de la France le signe d’un nouvel élan, ce serait un épouvantable gâchis.
Impossible d’imaginer, dans ces conditions, que ne soit pas vitalement nécessaire de soumettre au vote des communistes un texte alternatif permettant d’ouvrir un nouvel avenir à notre Parti. Pour qu’il soit soumis au vote de toutes et tous les communistes, nous ne disposons que de cinq semaines. Nous souhaitons que, dans la diversité de leurs préoccupations, celles et ceux qui entendent engager cette démarche démocratique puissent travailler ensemble à co-construire cette proposition alternative de « base commune de discussion ».
Robert Injey, Elsa Faucillon, Grégory Géminel, Frédérick Génevée, Yann Le Lann, Anna Meyroune, Sonia Masson, Frank Mouly , membres du Conseil national du PCF (texte-alternatif@printempsducommunisme.fr)