(Contribution aux débats du Conseil national du 5 février 2022)
Au mois de mai dernier, une majorité de communistes se prononçait en faveur d’une candidature à l’élection présidentielle issue du Parti communiste français pour « créer les conditions d’une alternative de gauche » avec comme « objectif final d’empêcher le duo Macron/Le Pen, mais surtout empêcher la finance de conserver le pouvoir dans notre pays » selon les mots de notre secrétaire national, Fabien Roussel. À moins de dix semaines du premier tour de l’élection présidentielle, force est de constater que le « surgissement d’un très grand mouvement populaire » ne s’est toujours pas produit malgré nos efforts militants.
Plus grave, dans un contexte de confusion et de multiplication des candidatures à gauche, les scénarios d’un second tour dominé par les candidats de la droite et de l’extrême-droite restent aujourd’hui encore les plus probables. Engluées dans des stratégies concurrentielles qui enjambent une échéance présidentielle réputée perdue, la plupart des forces de gauche restent en effet scotchées au plancher dans toutes les études d’opinion. À ce point que désormais Emmanuel Macron peut apparaître comme le vote utile pour des électeurs de gauche !
Pourtant selon les sondages, le seuil de qualification pour le second tour se situe désormais entre 15 et 18 points. Et dans un contexte de recomposition politique, les thèmes de la gauche (égalité, pouvoir d’achat, santé, écologie...) figurent au cœur des préoccupations exprimées par la population. Disons-le, le parti communiste français ne porte pas la principale responsabilité de cette situation inquiétante. Mais, alors même que nous ambitionnons de contribuer à une dynamique rassembleuse, nous avons le devoir de nourrir l'espérance, notamment celle des classes populaires dont l’irruption dans l'élection serait décisive.
Dans cette situation, nous aurions dû depuis des mois déjà nous hisser au-dessus de la mêlée, ainsi que nous avons toujours su le faire dans les moments cruciaux de l’Histoire. Face à la barbarie inégalitaire, nous aurions dû privilégier, comme nous l’avons fait en 1934, un front commun qui rende possible de nouvelles conquêtes sociales. Cela malheureusement n’a pas été le cas.
De fait, l’absence d’espoir pèse comme une chape de plomb sur les esprits, dont ceux des militants communistes. Si beaucoup de militants s’enthousiasment pour la campagne, pour un certain nombre cette situation freine leur plein engagement dans la bataille présidentielle. D’autres se mettent de côté, envisagent de voter blanc, pour une autre candidature, voire rendent leur carte. Evidemment dans ce contexte, le pire serait de se livrer à une absurde chasse aux sorcières, qui approfondirait les fractures et les divisions au sein du Parti communiste. L’ensemble des communistes doit être respecté, pour préserver la capacité à agir ensemble demain, dans les combats politiques et les mouvements sociaux.
Aujourd’hui, même si les forces de gauche ne parviennent pas à un compromis pour la présidentielle, il est encore temps d’éviter un « suicide collectif » aux législatives. Il serait incompréhensible que nous ne nous donnions pas réellement les moyens d'un accord avec les forces de gauche, à commencer par la France Insoumise puisque nos groupes respectifs votent pour l’essentiel de la même manière à l’Assemblée nationale, et que nous nous retrouvons dans les luttes. Plutôt que de grossir artificiellement les divergences, proposons un chemin pour faire grandir l’en-commun. Nous pensons que le parti communiste français se grandirait en prenant dès maintenant une initiative marquante, exprimant publiquement et précisément les conditions d'un rassemblement aux législatives, non seulement sur le programme, mais aussi sur l’arc politique et le type de campagne à mener. L’implication populaire, par la mise en place d’assemblées dans toutes les circonscriptions, paraît incontournable pour nous donner de la force.
Il est encore temps de faire front commun pour préserver ensemble l'existence de groupes parlementaires de gauche, et pourquoi pas les faire grandir. C’est en œuvrant dans ce sens que notre parti saura faire la démonstration de son utilité, et retrouver un rôle central dans la vie politique du pays. Cela sera plus que nécessaire, dans une situation politique qui va devenir étouffante pour toutes les forces de progrès. Comme le montrent les programmes de Zemmour, Le Pen et même Pécresse, les droits et libertés citoyennes, syndicales et associatives sont plus que jamais menacés.
Evidemment, cela suppose de tirer objectivement les leçons des dernières échéances électorales, des européennes aux élections locales de 2020-2021. Viendra aussi le moment où il faudra tirer le bilan de notre contribution politique collective à la présidentielle et aux législatives.
A tous les communistes, qu’ils soient enthousiastes ou bien désabusés, et y compris à ceux tentés de se mettre en retrait de notre parti, nous disons qu’au lendemain de la séquence électorale, il y aura à reconstruire une perspective transformatrice. Cela ne pourra se faire sans les communistes, les plus attachés au rassemblement des forces qui portent l’émancipation humaine.
Antoine Guerreiro, Robert Injey, Isabelle Lorand, Frank Mouly