Des dizaines d'habitations emportées, une majorité de ponts détruits, des dizaines de kilomètres de routes emportées, des stations d’épuration hors service… Depuis le début nous savions que la reconstruction dans la Roya serait longue, très longue. Cela d’autant plus que complètement enclavée il n’y a pas de possibilité de reconstruire les routes ailleurs que là où elles étaient, et donc circulation et reconstruction tentent de cohabiter au jour le jour.
Aujourd’hui en remontant de Vintimille jusqu’à Breil sur Roya l’essentiel a été réalisé. Il reste des confortements de parois rocheuses à faire.
Après Breil sur Roya, d’ici peu, la route jusqu’aux deux tunnels de Saorge devrait retrouver son «aspect normal». C’est après les Gorges de Saorge que nous entrons dans une autre dimension. Les ponts de Cairos et d’Ambo ayant été détruits, une vaste reconstruction s’engage. Les ponts seront construits sur une immense plateforme avant d’être déplacés pour être positionnés sur leur emplacement définitif. Opération délicate qui va mobiliser d'importants moyens techniques pour être réalisée sur 2 nuits de manière à ne pas interrompre la circulation. Chantier hors norme précédé par un confortement des parois rocheuses.
Après Fontan sur des kilomètres, les chantiers se sont enchaînés ou continuent de l’être. Sévèrement entamée, comme dans les gorges de Paganin, la route par endroit avait disparu sur plusieurs mètres de hauteur. Reconstituer les soubassements et les routes tout en permettant aux véhicules de passer entraîne une durée de trajet bien plus longue, rythmée par la danse des feux alternés. Il faut compter pas moins de ¾ d’heure pour relier Tende à Breil, séparés pourtant de seulement 20 kilomètres. Et par la voie ferrée ce n’est pas beaucoup plus rapide. Outre des horaires inadaptés, en raison des questions de sécurité la vitesse du train ne dépasse jamais 40 km/h sur le trajet Tende-Breil.
Ces travaux sur l’axe principal (D6204) sont les plus visibles par le plus grand nombre. Mais il y a aussi le reste, sur les vallées en cul de sac, comme celle de Cairos, sur celle menant à Castérino ou bien encore le haut de la Roya menant au col de Tende. Là, les travaux sont d’une ampleur parfois titanesque comme au début de la montée vers Castérino où ce sont des segments entiers de la route en lacets qui ont été emportés. Peu visible et peu médiatisé, c'est un travail de longue haleine qui est engagé pour rétablir les communications sur l’ensemble du Cairos, vers Castérino et vers le tunnel du Col de Tende. Des travaux qui devraient nous mener vers 2025 avec la livraison du tunnel. Cinq années pour reconstruire les infrastructures, autant que pour Notre Dame de Paris…
Malgré les moyens mis en œuvre ces délais sont longs, très longs pour celles et ceux qui y vivent. Les nouveaux ponts du Cairos et d’Ambo devraient être livrés fin 2022, si la pénurie internationale sur l’acier ne retarde pas le chantier. Pour Castérino, l’année 2022 constitue une seconde saison perdue, même si on peut y accéder à pied à partir du lac des Mesches. Certes une très belle balade mais qui ne favorise pas une grande fréquentation.
Enfin, arrivés sur Tende, le constat est là: nous ne sommes pas au bout des chantiers. Le passage au-dessus de la Roya à l’entrée du village se fait encore sur un simple gué, bien fragile si la Roya devait à nouveau se déchaîner. Au-delà de Tende, la route vers le col est l’objet d’un immense chantier. Plus qu’une route, nous nous trouvons souvent sur une piste qui passe dans le lit majeur de la rivière. Une longue reconstruction et pour les habitants de Vievola, c’est un sentiment d’ isolement qui domine, heureusement compensé par un groupe d’entraide et de soutien que les habitants ont créé sur place.
Quant au tunnel de Tende et la liaison avec l’Italie, nous allons peut-être arriver au bout d’un chantier qui n’en finit plus. Les travaux ont repris, l’ANAS (société nationale italienne pour les routes) annonce la fin des travaux pour 2025. Le coût du tunnel était de 255 millions, aujourd’hui on annonce un surcoût de 76 millions. Après la tempête, il a fallu repenser le projet, avec un viaduc en lieu et place du pan de montagne qui s’est effondré lors de la tempête. Dans l’immédiat la seule connexion stable avec l’Italie est ferroviaire.
Au sein de la population de Tende, il y a beaucoup de lassitude et de résignation.
Au quotidien, la vie des habitants de Tende et des alentours est toujours aussi difficile. Pas de pharmacie, des commerces qui tournent au ralenti et sont peu approvisionnés. Et enfin le constat que si les difficultés persistent et que l'incertitude est grande, le manque de concertation et de communication avec une partie des habitants semble peser d’autant plus fortement. Conséquence: 30% de la population a quitté le village.
Assez symptomatique, le nombre de bénéficiaires du Secours populaire a été divisé par trois. Non pas essentiellement parce que la situation des familles s’améliore, mais surtout parce que des familles face aux incertitudes et aux difficultés de vivre sur place, jettent l’éponge et tentent de redescendre sur le littoral.
Cette baisse de la population inquiète les habitants qui restent au village, car les menaces pèsent sur le maintien des classes et du collège. L’école primaire à Tende compte 52 élèves et celle de Saint Dalmas 20. Et vu la baisse significative des effectifs du collège, le vieux projet de regroupement des collèges avec Breil fait son retour. La mobilisation de la population ne sera pas de trop pour empêcher l’Inspection Académique d’appliquer une simple règle à calcul sans prendre en compte l’enjeu pour la haute Roya du maintien de ces classes et du collège.
RI
(Photo Patricia Alunno. Passage à gué à l'entrée de Tende.)