Cela peut provoquer un sentiment de colère face à une insupportable dérive présidentielle, mais la question des primaires est là.
C’est le prolongement logique du choix effectué par Chirac et Jospin, en 2000, d’inverser le calendrier. Plus qu’inverser le calendrier, la décision de caler la durée du mandat présidentielle sur celui des législatives a complètement changé la nature de celles-ci. Au lieu d’être des élections pour désigner une majorité, pour mettre en œuvre une politique, elles sont devenues uniquement des élections pour donner une majorité au président.
A l’origine de cette perversion, la volonté de se débarrasser d’une « impudence », celle du peuple qui « ose » désigner une majorité parlementaire qui ne soit pas (comme en 1986, en 1993 et en 1997) de la même couleur que le Président. Ce renforcement du caractère présidentialiste de notre République multiplie les effets pervers (1).
Le constat général qui se dégage c’est que la seule élection qui compte, c’est l’élection présidentielle, et tout ce qui contribue à donner plus de « pouvoir » aux citoyens dans ce scrutin est accueilli avec intérêt. C’est ce qui c’est passé en 2012 avec la primaire du PS.
Et avec un FN à 25%, quasi-certain de figurer au second tour, pour beaucoup ce n’est plus seulement une question d’intérêt, mais une nécessité….
Permettant aux citoyens de choisir un candidat, les primaires rencontrent ainsi une aspiration, celle de pouvoir décider, ou tout au moins d’en donner l’illusion, car le président élu est libre de trahir totalement ses engagements. Le succès de la primaire socialiste en 2011, l’obligation pour Sarkozy de s’y soumettre, sans parler de la difficulté d’Hollande d’évacuer cette question, sont révélateurs de cette aspiration.
Nous pouvons- et devons- toujours aspirer à une VIème République, mais dans l’immédiat dans le combat politique, il nous faut tenir compte de cette évolution de nos institutions.
Nous pouvons clamer sur tous les modes que ce n’est pas notre conception de la démocratie, mais cette réalité s’impose à nous. Il s’agit de faire au mieux avec, avant de pouvoir changer les institutions.
Pour reprendre la formule de Michel Foucault, renversant la thèse de Clausewitz, « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens ». Et dans le cas présent, nous ne décidons ni du champ de bataille, ni des armes. On fait avec ce qu’on a.
Subvertir la primaire
Par contre la question qui est devant nous est double : d’une part comment ne pas la subir, mais au contraire comment la subvertir pour renforcer l’intervention citoyenne.
A partir de là, très modestement, je considère que pour:
- Eviter l’éparpillement mortifère de notre camp, celui de la transformation sociale et du progrès pour faire court,
- Contribuer à redonner un espoir à une grande partie du peuple de gauche,
- Favoriser un large débat dans la société sur le contenu d’une politique alternative,
une primaire est peut-être la moins pire des solutions qui s’offrent à nous (2), mais cela impliquent plusieurs conditions :
- Cela peut paraitre évident mais c’est mieux en le disant : porter, face à la droite et à son extrême, une alternative de gauche aux logiques libérales mises en œuvre par le gouvernement. Elle ne peut donc que concerner des femmes et des hommes qui partagent à minima cet objectif initial.
- Cela doit constituer l’occasion d’un grand débat citoyen sur le contenu et les conditions d’une alternative de gauche. Le PCF a une responsabilité dans ce débat, non seulement pour porter sa contribution, mais aussi favoriser l’émergence des convergences.
- Il faut porter l’ambition de subvertir la logique présidentialiste des primaires. Par exemple, pourquoi ne pas concevoir que la primaire soit aussi l’occasion de faire acter les X priorités que les participants souhaitent voir mise en œuvre prioritairement ? Pourquoi ne pas porter l’idée, dans les transformations à faire, d’acter le retour à la proportionnelle et poser la question de l’articulation présidentielles-législatives ?
- Enfin une primaire comporte des enjeux politique, démocratique et financier. Le processus ne devrait-il pas se faire sous le contrôle de « sages », par exemple des anciens candidat-e-s à cette élection ou des parlementaires, soutenant cette démarche ?
Face à des institutions qui tendent à réduire la place des citoyens, il faut avoir l’audace d’investir tous les espaces (les primaires en sont un) et de retrouver des formes pour subvertir les institutions pour ne pas les subir indéfiniment.
Robert Injey
- Outre le rythme des présidentielles (une fois tous les 5 ans), la nature de ce scrutin (que 2 au second tour), nous avons une représentation nationale qui, mécaniquement, est quasi-monopolisée par l’UMP et le PS et leurs obligés. Ainsi l’UMP et leurs alliés des législatives, trustent plus de 96% des sièges à l’Assemblée Nationale bien que ne représentant moins de 60% au 1er tour de la présidentielle…
- L’auto proclamation, la candidature à vocation identitaire….