Nous sommes loin de sortir de la crise économique et sociale qui, au quotidien, se traduit pour des millions de familles de notre pays par une précarité toujours plus importante. Dans ce contexte difficile, marqué par une allégeance sans cesse plus insupportable du gouvernement au grand patronat (loi travail, licenciements des délégués CGT Air France…), l’affaire du Burkini semble un nouveau leurre. Un leurre bien utile pour détourner l’attention et diviser un peu plus celles et ceux qui subissent les logiques libérales.
Franchement se baigner habillé enlève tout plaisir à la liberté de pouvoir de mouvoir dans l’eau, mais après cela regarde chacun et chacune. En quoi cela entrave ma liberté ? En quoi cela remet en cause le vivre ensemble ou la laïcité ?
L’invocation aux troubles à l’ordre public relève d’une profonde malhonnête intellectuelle. Le même argument était invoqué d’ailleurs -parfois par les mêmes…- pour interdire les seins nus sur les plages il y a 40 ans…
Quant au parallèle quasi-systématique avec le terrorisme, cela relève d’une logique persistante de stigmatisation qui est dangereuse pour notre société.
Aujourd’hui, cette polémique ne fait que conforter les sectaires des différents camps qui vont y voir, une nouvelle fois, une occasion de se radicaliser les uns contre les autres. Et pendant ce temps-là on ne parle pas du reste…
Cette situation arrange une droite en difficulté pour exister face à un gouvernement qui lui a piqué son programme économique, social et sécuritaire. Mais cette situation ouvre surtout un peu plus l’espace au FN qui ne cesse de se nourrir des divisions grandissantes dans le peuple et de la stigmatisation d’une partie de la communauté nationale.
Cette affaire du Burkini pose en revanche une vraie question, trop souvent occultée, celui de l’émancipation des femmes. En la matière le cas de Lionnel Luca, digne représentant de l’ultra-droite, est assez significatif. Celui qui n’a eu de cesse de s’opposer à la réforme de l’IVG en 2000, vient de signer pour sa commune de Villeneuve Loubet un arrêté interdisant le burkini, invoquant, entre autre, les droits des femmes… Une argumentation à géométrie variable qui met en évidence qu’en cette période de crise, la remise en cause des droits des femmes et la dégradation de son image est une caractéristique commune de tous les réactionnaires au-delà des convictions religieuses. Des Erdogan, en passant par Trump, sans oublier Le Pen et tous les radicaux religieux, la remise en cause des droits des femmes est une constante. La meilleure manière de porter ce combat c’est de le porter ouvertement, et non pas de l’instrumentaliser dans un combat d’une autre nature, qui est celui du repliement identitaire et des dérives fascisantes.
Robert Injey