Pour commencer je vous invite à lire la brillante tribune de Gérard Miller publiée dans le Monde daté du 9 mars (http://www.gerardmiller.fr/index.php/accueil/edito-voter-a-gauche/ )
Sur les illusions, à titre personnel, les entretenir ce n’est pas ma tasse de thé.
La première des illusions c'est de croire qu'un bon accord de gouvernement est suffisant. Erreur fatale que les écologistes ne connaissent que trop. Si un accord est une condition nécessaire, ce n'est pas une condition suffisante. Petit retour en arrière, il y a presque 20 ans.
Le 29 Avril 1997, le PC et le PS signent une déclaration commune qui ouvre la voie à une majorité de gouvernement, extraits :
« Pour France Télécom, Thomson, Air France nous proposons l’arrêt des privatisations ». Nous savons ce qu’il est advenu de cette promesse… Jospin a le record toute catégorie des privatisations. Voir le lien (http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2009/11/16/jospin-a-t-il-plus-privatise-que-la-droite/)
« Nous voulons, ensemble, moderniser la République et faire ainsi franchir à la démocratie française une nouvelle étape ». Que c’est beau ! Nous avons eu droit, sous cette mandature, aux lois Chevènement sur l’intercommunalité, une interco imposée par le haut, version la carotte et surtout le bâton via les préfets…
« Nous sommes favorables à un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du parlement». Cela a donné l’inversion du calendrier avec les effets que nous connaissons aujourd’hui…
« Nous estimons que la France doit proposer aux partenaires européens d’engager des discussions, avec la volonté de faire l’Europe et de réorienter la construction européenne vers une Europe sociale…. »
Il serait trop long de citer tout ce qui a été acté par le gouvernement à l’époque sur l’Europe. Un exemple, la mise en place de la BCE avec l’article 1er du projet de loi présenté le 9 avril 1998 qui déclare « la banque de France (…) dans l’exercice des missions qu’elle accomplit à raison de sa participation au système européen de banques centrales ne peut ni solliciter ni accepter d’instructions du gouvernement ou de tout autre personne »… Tout un symbole de l'Europe livrée aux marchés financiers
A l’époque il y avait 255 députés socialistes (+202 par rapport à 1993) et 35 communistes (+11). Certes le PS n’avait pas la majorité à lui tout seul, mais 35 c’est bien peu pour « mettre en œuvre un accord ».
Aujourd’hui et sans doute de manière encore plus exacerbée, nous sommes confrontés à cette impasse.
Sans une véritable majorité « alternative » pas de politique alternative possible. Et cela pose une double question : Hamon et le PS sont-ils disponibles pour appliquer une véritable politique alternative ? Sont-ils disponibles pour une « proportionnelle » avant l’heure aux législatives en créant les conditions pour permettre l’élection de 160 à 200 députés de la France Insoumise, du PCF, d’Ensemble et d’EELV de manière à avoir une majorité à l’image « du peuple de gauche » ???
(http://www.robertinjey.com/2017/02/quelle-majorite-parlementaire.html)
Autre illusion, assez simpliste, il suffit d’une candidature commune à gauche pour aller au second tour et l'emporter.
Passons sur le fait que ce débat évacue la question : pourquoi Hamon perd 20 points dans toutes les enquêtes sur Hollande en 2011-2012 ? Regardons un peu plus près ce que peuvent-nous dire les derniers chiffres.
Le dernier sondage Cevipof-Ifop est intéressant dans ce débat sur candidature commune. Rappelons que cette série de sondages du Cevipof est basée sur unéchantillon de près de 16000 personnes ce qui implique une marge d’erreur très faible. Une question a été posée aux électeurs d’EELV suite à la décision des participants à la primaire de rallier B. Hamon (17 000 inscrits, moins de 10 000 votants.)
Vers qui se tournent les anciens électeurs de Yannick Jadot : 41% Benoit Hamon, 20% Macron, et 11% JLM. Le reste nul, abstention ou les autres candidats.
Un autre sondage, plus ancien (Ifop février 2016) testait un seul candidat de gauche; Hollande. D’un total cumulé Hollande –Mélenchon à 30% on tombait à 22%. Là encore la même proportion des 2/3 qui s’évaporent. Le fait n’est pas nouveau, lors des Régionales en PACA, EELV et le FDG totalisaient, « séparés » 14% en juillet, mais plus que 11,5 « rassemblés » en octobre et 7,43% à l’arrivée.
Le raisonnement des électeurs n’est pas celui des états-majors et au premier tour, si une partie à la tentation de voter utile ou de suivre une consigne, pour une grande part d’entre eux ils choisissent où ils sanctionnent.
Par contre dans cette enquête est révélateur le fait que sur un échantillon de 15 887 personnes, sont sûr d’aller voter: 10 854, soit près de 32% d’abstentionniste potentiels…
Là, sans doute, est la vraie marge de progression possible ou pas, pour faire progresser le total gauche qui aujourd’hui, avec la confusion autour de Macron, est historiquement à son plus bas niveau (moins de 27%...)
Dans le contexte actuel les «candidatures communes» sont un pis aller pour masquer ou tenter de compasser un effondrement électoral. Le vrai problème aujourd'hui c'est qu'il faut gagner ou regagner des millions de voix. Mais pour aller les chercher, il faut mener campagne et convaincre….
Sans céder aux illusions, il faut essayer, concrètement, de changer la réalité.
Pour tenter d’y parvenir on n’échappera pas à la nécessité de mener la bataille des idées pour convaincre et rassembler. Et pour cela il faut s’engager plus fortement dans la campagne.
On n’échappera pas à travailler et à favoriser –dans la plus grande clarté- toutes les convergences possibles. A commencer avec celles et ceux avec qui nous partageons 95% des propositions.
De ce point de vue, Jean-Luc Mélenchon a aussi une responsabilité pour que sa candidature rassemble bien au-delà des Insoumis…
Car considérer qu’une force ou un mouvement, puisse à lui tout seul y parvenir, c’est aussi une illusion…
Bonne journée
Robert Injey