Depuis les législatives et la victoire d’Éric Ciotti la guerre est ouverte entre celui-ci et son ancien mentor. C’est une guerre qui se livre en plusieurs temps et sur plusieurs fronts. Retour sur une guerre des chefs qui ne fait que commencer.
Acte 1 : Christian Estrosi en 2015 cède aux sirènes qui lui demandent de « tirer » la liste aux régionales pour éviter le scénario Marion Maréchal-Le Pen. Si cet aspect a pu jouer, c’est sans doute la volonté de ne pas voir Éric Ciotti, autre prétendant sérieux, s’emparer de la présidence de la Région qui motive le maire de Nice.
Acte 2 : Lors de la campagne présidentielle, face à la catastrophe annoncée pour la droite avec l’effondrement de la candidature Fillon, C. Estrosi se démarque assez rapidement de celui-ci, et tente de le faire renoncer. Cela lui vaudra de se faire largement huer par une partie des militants de droite chauffés à blanc, en particulier par Éric Ciotti. Celui-ci, après avoir joué la carte Sarkozy, n’a eu aucun état d’âme pour jouer à fond la carte Fillon. Christian Estrosi a vite fait de prendre en compte la situation nouvelle et d’agir en conséquence. C’est le fameux épisode de la réception républicaine, le 3 avril, du candidat Macron par le Président de la Région, Christian Estrosi. Rencontre au cours de laquelle, sans nul doute, les deux hommes accordent leurs violons. Et ce n’est sans doute pas un hasard si quelques jours plus tard, le 7 avril, En Marche présente ses 14 premiers candidats aux législatives, et qu’une des premières candidatures annoncées concerne la circonscription… d’Éric Ciotti. Ce dernier ne manquera pas de faire remarquer que la ficelle est un peu grosse…
Acte 3 : L’entre deux tours de la pré- sidentielle marque une nouvelle escalade entre les deux hommes, l’un soutenant sans hésiter le futur Président quand l’autre cherche à marquer sa différence.
Acte 4 : Comme une politesse du nouveau président, la candidate de Christian Estrosi, Marine Brenier, n’a aucun candidat officiel d’En Marche en face d’elle. Dans le même temps Christian Estrosi trouve les mots pour bien faire comprendre qu’il soutient Éric Ciotti comme la corde soutient le pendu. Malgré cela Éric Ciotti est ré- élu, réalisant même au premier tour, et de manière très nette, le meilleur score de sa formation politique dans le 06. Au soir de sa réélection il dé- clare avoir gagné « avec l’opposition de Christian Estrosi ».
Et maintenant ? Depuis les législatives les deux hommes s’organisent en vue des échéances à venir. Au niveau départemental, si Éric Ciotti peut compter sur une majorité qui lui est acquise, pour l’instant, il sait fort bien que cette position est précaire. D’une part, en raison de la loi sur le cumul des mandats, il est dans l’obligation de céder la présidence. D’autre part l’hyper métropolisation que veut mettre en place Emmanuel Macron peut se traduire, comme dans le Rhône, par la mise en place d’un mini conseil départemental. En effet le conseil départemental du Rhône ne représente plus que les 13 cantons hors Métropole de Lyon. Un scénario tout à fait possible dans la perspective des réformes à venir. Face à ce risque Éric Ciotti, s’il ne veut pas subir et pouvoir exister, doit porter le fer là où se joue le vrai pouvoir pour les années à venir : la Métropole. Et plus particulièrement Nice qui, de fait, est le lieu où se joue la présidence de la Métropole. C’est la raison essentielle qui fait que les municipales de Nice, qui n’auront pas lieu avant 30 mois, occupent déjà certains esprits à droite.
Éric Ciotti peut-il raisonnablement inquiéter Christian Estrosi ? Ce dernier va se présenter au prochain scrutin en ayant inauguré les lignes 2 et 3 du tramway et en ayant beaucoup changé la ville après des décennies d’immobilisme. Dans le même temps cet « activisme » a un coût, à l’image de celui de la ligne 2 du tramway. L’addition financière des deux mandats de C. Estrosi est chargée et cela d’autant plus que les dotations de l’État fondent. Cela va sans nul doute peser pour la suite, alors même que si « l’image » de la ville s’est améliorée, il n’en va pas de même de la réponse aux besoins quotidiens d’une grande partie de la population.
Mais au-delà du bilan de l’un et de l’autre, les deux hommes ne font peut-être pas la même analyse de l’évolution de la sociologie électorale sur Nice. Éric Ciotti part du principe qu’il n’y a pas de centre à Nice et qu’il faut aller chercher les électeurs du FN. Sans rechigner à aller chercher lui aussi ces électeurs C. Estrosi fait, peut-être, le calcul qu’à l’image des autres grandes villes, la sociologie électorale de Nice change bien plus qu’il n’y paraît, avec l’émergence d’un électorat plus « boboïsé ».
Mais dans un cas comme dans l’autre, sur le fond rien ne différencie les deux hommes sur les choix politiques qu’ils portent. Ils représentent l’un et l’autre une droite ultra libérale au service des marchés financiers.
Robert Injey (Article publié dans le Patriote n°202 du 25 août)