Des profondes divergences avec A. Montebourg, à l’urgence d’entrer en campagne….
A défaut d’un programme, Arnaud Montebourg nous gratifie de son discours commenté de déclaration de candidature de Frangy-en-Bresse. (1). Sans prétendre faire une analyse exhaustive de son propos je me livre là à un éclairage personnel sur quelques aspects des propositions de son « discours commenté ».
-C’est sans doute concernant sur le logement social que sa proposition est la plus choquante (pages 42 et 43 de son discours « commenté »). Mettre à la vente 4,5 millions de logements sociaux, sur un parc de 4,7 millions, au prétexte de « faire gagner du pouvoir d’achat »?!
Cette proposition, que Montebourg « partage » avec plusieurs candidats de droite à la primaire, a un précédent historique : Margaret Thatcher. Celle-ci a donné le droit aux locataires d’acheter leur logement HLM de 50 à 30% de leur valeur (même fourchette que propose A. Montebourg).
L’effet a été radical. D’un côté un nombre important de « nouveaux propriétaires » en incapacité de payer les échéances, de l’autre des offices HLM qui se retrouvent à gérer le parc le plus délabré avec les locataires les plus pauvres. Un phénomène qui renforce la ségrégation spatiale (Cf. interview de William Le Goff dans le Monde daté du 27 octobre 2016). Une telle mesure en France entraînerait un accroissement des difficultés pour des « propriétaires » qui, loin de gagner du pouvoir d’achat, vont en perdre. En perdre car il faut, comme propriétaire, acquitter la taxe foncière. En perdre car ils ne toucheront plus les aides au logement (APL, ALS, ALF). Mais Arnaud Montebourg ne sait sans doute même pas ce que cela représente. Les locataires HLM perçoivent aujourd’hui 38% du montant des aides personnelles au logement, soit 6,2 milliards d’euros. Propriétaire ils percevront plus rien.
Enfin en perdre car, toutes celles et tous ceux qui ont pu y vivre savent, les HLM n’ont pas été construits pour durer. Et le coût des réhabilitations à venir sera exclusivement à la charge des propriétaires.
L’exemple chiffré que pose Montebourg dans son ouvrage, et qui se base sur une enquête de l’INSEE de 2006, fait totalement abstraction de ces réalités… Sans parler bien évidemment de l’aberration de vendre du locatif social, à l’heure d’une profonde crise du logement…
-Mais il n’y a pas que sur le logement social qu’il est hors sol. Sur les salaires, dans le JDD du 31 octobre, sa proposition sur l’augmentation est renvoyée à un accord européen ! Même le MEDEF ne l’a pas osé !!!
Sans parler du code du travail avec comme mesure phare " un code du travail différent pour les PME, négocié branche par branche » (2) Celles et ceux qui se sont mobilisés contre la loi travail apprécieront.
-Autre tirade dans son « discours commenté » sur la participation aux bénéfices qu’il veut étendre aux PME de moins de 50 salariés. En reprenant le vieux mythe patronal, version gaullisme social, sur « l’échange performance contre partage ». La réalité de l’existant est bien moins idyllique. Une étude sur l’impact des dispositifs collectifs de partage des bénéfices sur les rémunérations en France, concluait :
« Les résultats montrent que le partage du profit n’est pas un complément de salaire mais un outil de flexibilité salariale. Trois conclusions peuvent être soulignées :
1. Le fait de pratiquer l’intéressement n’influence pas de manière significative la rémunération totale mais s’accompagne d’un effet négatif sur la rémunération hors prime d’intéressement.
2. L’introduction de l’intéressement n’influence de manière significative ni la rémunération totale ni la rémunération hors prime d’intéressement.
3. L’existence ou l’introduction de la participation n’influence de manière significative ni la rémunération totale ni la rémunération hors prime de participation » (2).
Par ailleurs il convient de préciser que l’intéressement et la participation sont des formes de rémunérations qui ne sont pas soumis à cotisations sociales et ne participent pas au financement de la protection sociale : plus la part de rémunération sous forme de "participation aux bénéfices " est importante, plus le financement de la protection sociale est en péril. Est-ce bien le but qu'une politique de gauche doit se donner ?
-Quand à la réforme des institutions, grande rénovation avec le retour du septennat et la réduction du nombre de députés !! Le tout dans un contexte où il veut doter l’Europe d’un « gouvernement économique de la zone euro » (page 67).
Nous sommes très loin de la 6ème république.
-Enfin, sauf erreur de ma part, il y a des vides immenses dans les propos d’Arnaud Montebourg : droit des salariés, grandes réformes fiscales, financement de la protection sociale, revitalisation de la démocratie de proximité,
A l’énoncé de ces quelques points programmatiques on comprend beaucoup mieux pourquoi, à chaque fois, il a fait au sein du PS le choix le plus droitier. S. Royal contre L. Fabius, candidat de la gauche du PS en 2006, Hollande contre Aubry en 2011 et Valls contre Ayrault en 2014.
Au final, la lecture du propos d’Arnaud Montebourg a comme un air de déjà-vu. Partenariat public privé, participation (…) une sorte de néo-gaullisme du bon vieux capitalisme monopoliste d'Etat, les Starts up en plus.
Faire du neuf avec du très vieux, Arnaud Montebourg n’innove pas beaucoup (4)….
Enfin, s’il est vrai que sur le plan institutionnel une victoire de Montebourg sur Hollande serait un évènement, pour autant cela ne doit pas occulter le fait que cela ne règle pas grand-chose. Trois remarques là-dessus :
-La première, et pas des moindre, c’est la majorité parlementaire que nous voulons voir émerger. Hollande ou pas, les 577 candidats du PS auront été désignés fin décembre, dont près de 250 qui ont tout voté, sans parler des ministres et des conseillers recasés dans des dizaines de circonscriptions « imperdables ».
-Hollande ou pas, le vainqueur de la primaire portera pour l’opinion publique le bilan du PS…
-On peut continuer à espérer que des « millions de personnes nous disent face à la droite et au FN, stop aux conneries ». Mais, pour l’instant, la réalité c’est que les 4 à 5 millions d’électeurs (5) que la gauche a perdu depuis 2012, n’attendent plus grand-chose d’elle. Pour eux, à juste titre ou pas, le pire est déjà là, dans la précarité quotidienne, la peur de l’exclusion, l’inquiétude du lendemain.
Le vrai défi, celui qui permettra de déjouer le piège de 2017, plus que le nombre de candidats, c’est la capacité ou non de re-mobiliser cet électorat, ces 4 à 5 millions d’électeurs, sur un espoir de changement. De ce point de vue il y a urgence à rentrer en campagne….
Robert Injey
(1) Arnaud Montebourg, « Le retour de la France », discours commenté de déclaration de candidature de Frangy-en-Bresse collection Librio, octobre 2016. Imprimé en Italie…
(2) Interview dans le JDD.du 30 octobre
(3) Extrait de la conclusion : http://www.cee-r.echerche.fr/publications/rapport-de-recherche/limpact-des-dispositifs-collectifs-de-partage-des-benefices-sur-les-remunerations-en-france
(4) Ainsi sa référence stratégique au « modèle » Mitterrand quand il s'est emparé du PS, tombé à 5 % via la candidature Gaston Deferre en 1969, par un langage de gauche et une alliance avec les communistes, pour ensuite conduire le PS vers les dérives que l'on ne sait que trop devrait nous alerter...
(5) Systématiquement, toutes les élections intermédiaires, mais aussi toutes les enquêtes d’opinion, placent le total gauche 10 points, voir plus, en deçà du score de 2012 (44%). Soit une fourchette de 4 à 5 millions d’électeurs