Texte très clair de Jean Paul Duparc. Un antidote utile face au discours dominant....
"Les pressions néolibérales se font plus virulentes. Les injonctions de la Commission Européenne pour des coupes plus sévères dans les dépenses publiques et de nouvelles dérégulations économiques et sociales le montrent. Il en va de même de la dégradation de la note de la France par l’agence de notation Standard & Poor’s qui signifie qu’aux yeux des « marchés financiers », le gouvernement Hollande en fait trop peu ou trop lentement à leur goût. Ingratitude des marchés vis-à-vis d’un gouvernement qui s’aligne pourtant sur toutes leurs dogmes et leurs exigences. En programmant 15 milliards d’euros d’économie sur les dépenses publiques en 2014, en épousant le discours libéral sur la « dette » et en multipliant les dispositifs fiscaux bénéficiant sans contrainte aux capital, comme le coûteux crédit impôt compétitivité, qu’il est prévu de financer par une hausse de la TVA.
Dans le même temps, l’inefficacité et l’injustice des potions capitalistes face à la crise devient de plus en plus patentes, ce qui amène les groupes de pressions libéraux à se radicaliser dans leurs exigences de déstructuration de ce qui reste du « modèle social » en France et en Europe. En découle la réforme des retraites, et la violence des dumpings fiscaux et sociaux en Europe, notamment à la suite de la directive service qui permet d’utiliser les salariés de pays à bas salaires et faibles protection sociale, dans les conditions de leur pays d’origine.
L’inefficacité et l’injustice s’affichent pourtant. Ainsi contrairement au discours mille fois martelés sur le thème de « l’austérité pour réduire la dette », de plus en plus de pays d’Europe vivent une austérité devenant insupportable pour une dette rendue croissante et plus difficile à rembourser par l’austérité elle-même. Ainsi Natexis vient de calculer que pour seulement « stabiliser le niveau d’endettement public » il faudrait à un pays comme l’Italie dégager un excédent budgétaire de 7% du PIB, et au Portugal plus de 11% du PIB ! c’est évidemment totalement impossible.
L’ombre de la déflation (baisse des prix encouragée par la baisse des salaires et l’euro fort) plane sur la zone euro. Elle rend plus difficile, voire impossible, le remboursement des dettes passées et actuelles, y compris celles des Etats, aux taux d’intérêts bien trop élevés. C’est ce qui explique la décision de la BCE en cette première semaine de novembre de baisser encore son taux d’intérêt directeur de 0,5% à 0,25%. Un quart de point qui n’a l’air de rien, mais qui signifie que la BCE ne croit pas à la solidité de la « reprise » tant annoncée, et s’oblige à financer quasi-gratuitement les marchés financiers et les banques. Il est même question d’un nouveau et prochain prêt massif aux banques, comme les 1000 milliards d’euros de décembre 2011 et février 2012.
Il y a pourtant fort à parier que ces mesures de la BCE seront d’un piètre effet durable et structurel. L’expérience montre que ces injections massives de création monétaire ne parviennent pas jusqu’à la consommation et l’investissement sous forme de crédits utiles aux entreprises et aux ménages. Les banques commerciales les placent sur les marchés, ou bien les conservent sur leurs comptes à la BCE, et souvent les prêtent aux Etats à un taux plus élevés.
La seule façon dont la BCE pourrait vraiment soulager le fardeau financier de la zone euro, né des prélèvements des marchés financiers, ce serait de prêter directement aux Etats à ce taux de 0,25%, en rachetant massivement les titres de dettes publiques, ce qui allégerait immédiatement de plusieurs milliards des « services de la dette » dans le budget des Etats. En France par exemple, intérêts plus remboursement du capital de la dette publique représentent de l’ordre de 125 milliards d’euros par an, soit l’équivalent des recettes de TVA. Alléger ce fardeau libérerait des fonds pour des dépenses utiles, qui ne seraient plus perdus dans de l’engraissage sans fin des marchés financiers. Mais cela est interdit dans la conception libérale des Traités.
Et pendant ce temps là monsieur Moscovici est content de lui. Message surréaliste lors de son passage sur la 5 à l’émission « C politique », « la France va mieux qu’en mai 2012 » et « le cap est bon » et les « investisseurs », entendez dans son langage technocratique les « marchés », peuvent avoir confiance en la France. Le tout pour surenchérir dans un discours vantant les coupes dans les dépenses publiques présentes et à venir en 2014, 2015, 2016,…mais évidemment jamais dans les dépenses qui subventionnent le capital.
Ceci dans la même semaine où le journal « Le Monde » titrait sur « Plus de 1000 plans sociaux en un an ».
On comprend que dans cette même semaine, dans un sondage paru dans le Journal du Dimanche du 10 novembre, 64% des personnes, interrogées sur l’objectif de réduire de 15 milliards la dépense publique en 2014, répondent que cet objectif « n’est pas satisfaisant car il risque de détériorer les services publics et freiner la reprise économique ».
C’est un point d’appui pour remettre la réflexion économique et politique au service de l’humain ; en pointant les vrais gâchis, ceux de l’asservissement de toute l’activité, y compris publique, à la course à la rentabilité financière privée de capitaux dominants ; en portant des propositions qui réoriente l’ensemble de l’utilisation de l’argent au service d’objectifs sociaux et écologiques ambitieux, moteur d’un nouveau développement.
Les terrains d’actions ne manquent pas : face à la directive service européenne sur le « détachement » des travailleurs, contre la prochaine hausse de la TVA qui doit financer le crédit compétitivité, pour un refinancement direct des Etats par la BCE, pour poser la question des salaires dont le niveau trop bas tire l’économie vers la déflation, …."
Jean Paul Duparc