(Contribution d'Emmanuelle Gaziello et Robert Injey dans le cadre du 38ème congrès du PCF)
L’énergie est un bien vital et stratégique pour l’ensemble de l’humanité. En ce XXIe siècle, nous sommes confrontés à un défi d’une ampleur inégalée. À l’échelle de la planète, les ressources naturelles s‘épuisent et l’utilisation, depuis près de deux siècles, des énergies carbonées (pétrole, charbon…) nous plonge dans la spirale, de moins en moins contrôlable, du réchauffement climatique.
Face à cette impasse, alors que les êtres humains veulent légitimement une vie meilleure, alors que le devenir même de la planète est en jeu, nous devons apporter de nouvelles réponses. Des réponses qui s’inscrivent nécessairement sur 2 à 3 générations. Notre objectif est de créer les conditions pour que le droit à l’énergie soit une réalité pour tous, que la production énergétique permette de répondre aux enjeux climatiques, à l’autonomie technologique et financière des pays pour y accéder, à la sécurité d’exploitation et de distribution.
Pour répondre à ces objectifs, il y a plusieurs défis à relever :
1/ L’urgence, sortir des énergies fossiles !
Les ressources carbonées fossiles, qui libèrent des gaz à effet de serre, occupent une place prépondérante dans la consommation énergétique mondiale (85 %),en hausse de 2,1 % par rapport à 2016 et de 40 % par rapport à 2000.
Aujourd’hui, nous devons en sortir ! Le défi est de taille entre ceux qui veulent préserver surtout leur mode de vie (Trump) et les pays en voie d’industrialisation, dont le recours aux énergies fossiles est la solution la plus accessible.
2/ Transformer les modes de production, de consommation et nos modes de déplacement.
Si des progrès ont été réalisés avec, par exemple, une stabilisation de la consommation électrique en France, ou une réduction de la consommation de produits pétroliers (pas en France !), il reste d’immenses chantiers. Par exemple, pour améliorer l’efficacité énergétique, pour lutter contre les modes de production et de consommation qui génèrent des gaspillages, pour offrir des alternatives à la voiture polluante, généraliser l’isolation thermique, améliorer les possibilités de stockage de l’énergie… Des chantiers qui demandent tout à la fois innovations technologiques et investissements. Produire de tels efforts passe par un véritable plan de recherche, de formation, de développement industriel et d’investissements pour explorer toutes les possibilités.
3/ Sortir l’énergie de la logique capitaliste.
Pour générer cette gigantesque mutation énergétique, il est nécessaire de sortir de la vision à court terme de rentabilité financière imposée par le système capitaliste. Il faut s’opposer à la mise en oeuvre des directives européennes de libéralisation qui vise à soumettre l’énergie aux marchés financiers, avec un objectif : générer des colossaux retours sur investissements au détriment de l’avenir de l’humanité et de la planète.
4/ Du local au global renforcer la maîtrise commune.
La crise énergétique est mondiale et constitue un des défis majeurs que doit affronter l’humanité au XXIe siècle. Un des enjeux réside dans la capacité de la communauté internationale à y faire face en renforçant la maîtrise publique au travers de la création de pôles publics de proximité et la mise en place d’une véritable coopération internationale, sous l’égide de l’ONU par exemple.
5/ Relever le pari des énergies renouvelable (EnR).
Assise sur une forte production nucléaire la France, via EDF, a sous estimé l’enjeu des EnR. Il a fallu attendre
décembre 2017 et la forte pression de Nicolas Hulot pour voir EDF présenter un plan audacieux pour le photovoltaïque de 30 GW d’ici 2035, pour un montant de 35 milliards sur 15 ans (à mettre en rapport avec les 135 milliards de dollars investis par la Chine pour les EnR pour la seule année 2017). Il existe une panoplie importante de sources d’énergie non émettrices de gaz à effet de serre. Toutes ne sont pas au même niveau de développement ni d’exploitation. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Dans la phase actuelle, elles sont complémentaires et doivent faire partie d’un mix énergétique renouvelable diversifié.
6/ Dépasser le nucléaire exploité dans le cadre de la fission de l’atome.
Le nucléaire pose une série de problématiques que nous ne pouvons pas ignorer. S’il y a 30 ans, son faible coût était un avantage, aujourd’hui les EPR, plus sûrs, ont des coûts de production bien plus élevés qui les rapprochent de ceux des EnR (1).
Mais au-delà, il y a toujours la question des risques. Et en la matière, il faut toujours envisager le pire. Paradoxalement le pire, celui de centrales nucléaires dans une zone de conflits n’a jamais été envisagé. Pourtant, depuis 20 ans, nous avons connu plusieurs conflits majeurs (Yougoslavie, Golfe, Syrie, Libye…). Que serait-il advenu si un de ces pays était doté de centrales nucléaires ? Par ailleurs, le montant des investissements, la maîtrise des technologies, les impératifs de sécurité, limitent la possibilité d’accès à l’énergie nucléaire à quelques dizaines de pays. La fin souhaitable des énergies fossiles va placer une grande partie de l’humanité en situation de dépendance avec les implications que cela peut avoir. Le développement des EnR permet une indépendance des peuples mais aussi peut réduire les tensions et les conflits. C’est un facteur de paix.
7/Bâtir un monde zéro déchet : ni dans l'atmosphère, ni dans l'écosystème, ni dans les sociétés humaines.
C’est aussi créer de la valeur, de l’emploi non délocalisable, et du lien social. La Planification de la transition énergétique pour faire bifurquer le modèle de production, de consommation et d'échanges, dans tous les domaines, doit être au sommet de la hiérarchie des normes et de l'activité des États.
Les choix en matière d’énergie nous engagent pour des générations(2). Nos choix d’aujourd’hui engagent nos petits enfants. Nous souffrons dans notre pays d’une forme de non-débat sur ces questions en raison d’enjeux de politiques immédiates ou de logiques industrielles. Un vrai débat national, tranché par un référendum, s’impose.
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(1) Le prix du MWh pour le nucléaire ancien est de 32 euros, il passe à 110 euros pour l’EPR (prix de référence EPR d’Hinkley point) et EDF annonce pouvoir
faire baisser ce prix à 60-70 euros le MWh. L’éolien terrestre est aujourd’hui à 80 euros le MWh.
(2) Entre le lancement des études et la fin de vie normale d’un EPR il devrait s’écouler 80 années...