Retour sur la manifestation contre le passe-sanitaire, et pour beaucoup contre la vaccination, du 7 août à Nice (Texte et photos publiés dans le Patriote Côte d'Azur la semaine dernière.)
Par Robert Injey
Nice, samedi 7 août, dès 11 heures ils étaient plus d’une centaine d’opposants et d’opposantes au passe-sanitaire, à se retrouver place Masséna pour un tour de chauffe qui devait les mener dans le vieux Nice et autour du port. Pour l’essentiel des soutiens de l'extrême droite, à l’image de Guillaumes Aral ex élu du FN au conseil municipal de Nice.
A 14 heures, place Garibaldi, la journée prend une toute autre dimension avec pas moins de 10 000 manifestants, qui s’engagent dans une longue manifestation dans les rues de Nice.
Un rassemblement hétéroclite,
où la question sociale est absente
A l’image du reste de la France, la mobilisation ne faiblit pas avec plus de 235 000 manifestants à travers le pays et des cortèges particulièrement fournis à Nice et Toulon. Surtout Toulon qui, avec 19 000 manifestants, aura constitué le principal cortège du pays.
Première caractéristique du cortège à Nice, c'est son caractère pour le moins hétéroclite. Le prêtre traditionaliste avec son drapeau frappé du sacré cœur (ou cœur Chouan), défile pas très loin de quelques militants de la FI ou de LO, présents mais très discrets, sans drapeaux. On retrouve des Gilets jaunes de la première heure, mais ils sont loin de constituer l’essentiel du cortège. A part quelques militants venus pour se rendre compte, on trouve très peu de visages de ce peuple de gauche que l’on peut rencontrer sur les manifestations syndicales.
Peu de signes distinctifs dans la manifestation, à l’exception de petits drapeaux français comme ceux que l’on distribue dans les meetings LR ou du RN. Il ne faut pas être un grand «profiler» pour constater que, pour une part significative, ceux qui manifestent ce samedi ne sont pas des habitués de ce type de rendez-vous.
Les mots d’ordre des manifestants tournent en boucle autour de deux cibles: Macron et le Passe sanitaire assimilé à la dictature. Un leitmotiv est répété à l'infini: la Liberté . On cherchera par contre en vain des exigences sociales dans ce cortège. Rien ou si peu. C’est là une grande différence avec le mouvement des Gilets jaunes, la question sociale est évacuée, invisible. Sur les pancartes individuelles on trouve tout le panel: les slogans qui s’opposent au caractère autoritaire du passe-sanitaire, les amalgames passe-sanitaire = dictature, le refus de la vaccination et toutes les variantes complotistes.
Le Var et les Alpes-Maritimes en pointe: pourquoi?
La forte mobilisation dans les Alpes Maritimes et le Var interroge. Pourquoi ici? Ces deux départements ne sont pas parmi ceux qui se mobilisent le plus en temps normal, ni même lors du mouvement des Gilets Jaunes. Il faut sans doute en chercher les raisons sur plusieurs aspects particuliers de ces deux départements. D’abord, et c’est sans doute le plus important, la sociologie électorale: ces deux départements sont fortement marqués par le vote en faveur de l’extrême droite et de la droite. Ceux-ci totalisaient, lors des dernières élections régionales, près de 80% au premier tour dans ces deux départements. Le passe-sanitaire est sans nul doute l’occasion pour de nombreux électeurs de l’extrême droite et de la droite la plus dure d’exprimer leur rejet de Macron.
Second élément de réponse: la structure de la population active. Le Var comme les Alpes Maritimes sont marqués par une forte proportion d’artisans, de commerçants, et de chefs d'entreprise (Classification INSEE). Des actifs particulièrement impactés par la crise sanitaire et la mise en place du passe-sanitaire. En France les actifs de cette catégorie socioprofessionnelle représentent 6,8% de la population active (INSEE 2018). Dans les Alpes Maritimes ils représentent 10, 4% et dans le Var 11,2%.
Enfin, pour expliquer le caractère massif des manifestations sur ces deux départements, sans commune mesure avec le reste du pays, il ne faut pas évacuer le fait que les Alpes-Maritimes et le Var connaissent une forte fréquentation estivale. Il n’est pas impossible que de nombreux touristes se retrouvent dans ces manifestations.
Il est impossible de prévoir l’évolution de ce mouvement. Le rejet du passe-sanitaire peut encore grandir à partir du moment où sa mise en place sera effective. Dans le même temps, le gouvernement tente de déminer le terrain en assouplissant son dispositif (Une semaine de «rodage», validité des tests porté à 72 heures…. ). Enfin ce passe-sanitaire est censé ne durer que jusqu’au 15 novembre. La progression de la couverture vaccinale est le but recherché par le gouvernement et celui-ci peut très bien chercher l'apaisement en rassurant sur le retrait rapide de la mesure, si l’immunité collective arrivait au seuil requis. La mobilisation contre le passe-sanitaire cristallise toutes les oppositions à Emmanuel Macron, pas sûr que celui-ci souhaite que ce climat perdure et prédomine lors de la rentrée de septembre, à un moment où la contestation sociale risque de reprendre face aux projets du gouvernement.
Pour les forces de gauche et progressistes un défi de taille se présente: comment ne pas se laisser enfermer dans un débat “ pour ou contre la vaccination et le passe-sanitaire”, alors même que les enjeux de la rentrée sociale sont énormes (réforme des retraites, situation économique et sociale, réforme de l’assurance chômage…), à quelques mois de l’élections présidentielle.
Série photos: La manifestation anti passe-sanitaire et anti vaccins en images. Sans prétendre à être exhaustif, ni à refléter l’ensemble des colères qui s’expriment lors des marches organisées les samedis depuis plusieurs week-ends, un petit aperçu des pancartes que l’on peut y trouver… Un petit florilège des motivations d’un grand nombre de manifestants.