Dans la matinée du mardi 27 juin, un policier tire à bout portant sur un mineur, de sang-froid, après avoir crié « Je vais te mettre une balle dans la tête ». Aujourd’hui, le nom et le visage de Nahel s’ajoutent à la trop longue liste des victimes de crimes policiers. Toutes nos pensées vont d’abord à sa famille et à ses proches qui s’engagent, comme tant d’autres avant eux, dans le difficile combat pour la vérité et la justice.
Ce drame a déclenché en France une nouvelle phase de la crise politique et sociale : après les Gilets Jaunes, le mouvement contre la réforme des retraites, les événements de Sainte-Soline, c’est au tour des quartiers populaires d’entrer en affrontement direct avec le gouvernement.
La colère est légitime, en premier lieu parce qu’un jeune homme a perdu la vie dans l’arbitraire le plus complet, mais aussi parce qu’elle s’enracine dans la relégation des classes populaires par l’État, dans l’expression grandissante du racisme à leur encontre. S’y ajoutent discrimination sur le marché du travail, chômage, emprise du trafic de drogue et de la criminalité liés à la ségrégation territoriale. Ces injustices sont au cœur de ce qui trouble et fracture la paix civile en France.
Comme on pouvait s’y attendre, en s’attaquant pendant près d’une semaine et sur tout le territoire, à des commerces, à des biens, des équipements et des services publics appréciés par les populations, à commencer par les plus démunies, les dégradations et destructions ont contribué à un basculement de l’opinion. D’abord très majoritairement choqués par la mort de Nahel, des millions de Français sont en passe de tomber dans les bras du parti de l’ordre.
Et en effet une semaine plus tard, les émeutes sont terminées. Le gouvernement a garanti le « retour au calme et à l’ordre » en déployant une stratégie de répression inédite : 45 000 policiers et gendarmes tous les soirs, usage de blindés, présence d’unités d’élite (BRI, RAID, GIGN), répression judiciaire expéditive envoyant des centaines de jeunes en prison. En une semaine, des régressions inédites de l’état de droit sont constatées.
Pour ces jeunes comme pour tout citoyen, nous appelons à ce que les droits de la défense soient garantis partout : présomption d’innocence, possibilité de préparer sa défense dans de bonnes conditions, accès à l’appel. Lorsque ces droits élémentaires sont bafoués, il est
du devoir et de l’intérêt de chacun de se mobiliser pour qu’ils soient respectés. Par ailleurs, il est temps d’en finir avec le système des comparutions immédiates, qui nuit profondément à l’égalité de traitement par la justice.
Le retour au calme s’est aussi accompagné de discours délirants, étouffant tout débat et toute critique du tout-répressif, désignant comme coupables les jeux vidéo, les réseaux sociaux et les mères des quartiers populaires. Cette dernière accusation, ciblant celles qui tentent de faire tenir au quotidien les familles et la vie sociale des quartiers populaires, est particulièrement ignoble.
Dans ce contexte, les groupes réactionnaires (notamment racistes) structurés au sein de la police ont combattu avec la dernière énergie toute tentative de renforcer le contrôle démocratique sur leurs activités, qu’il soit administratif, parlementaire ou citoyen. Les syndicats Alliance et Unsa Police ont même produit une déclaration d’appel à peine voilé à la sédition ! Or le gouvernement, contraint de s’appuyer sur l’appareil policier pour réprimer les mouvements populaires, s’est entièrement mis à la merci de ces groupes.
Dans ce climat violemment contradictoire, serons-nous capables d’apporter une réponse face aux violences policières, et de tracer les chemins de l’alternative politique ?
Nous le savons, les affrontements avec les forces de l’ordre sont au cœur de tous les derniers mouvements sociaux : les manifestations contre la loi Travail, le mouvement des Gilets jaunes, les marches pour Adama, la mobilisation contre la réforme des retraites, les mouvements écologiques comme Extinction Rebellion et plus récemment, la manifestation de Sainte-Soline. Tous ont fait l’expérience commune des violences policières, des humiliations, du matraquage, des mutilations par tirs de grenades ou de LBD. Sur la base de l’appartenance au même camp social et de ces expériences partagées, il est possible d’unir les différentes franges du mouvement contestataire. Ce afin de retirer le pouvoir des mains des premiers responsables des violences policières et de leur impunité, à commencer par E. Macron et G. Darmanin.
Nous nous joignons à l’appel unitaire à manifester partout le 8 juillet pour la vérité et la justice. Dans ces mobilisations, nous revendiquons en particulier :
1. La suppression de la loi Urvoas-Cazeneuve de 2017 sur le refus d’obtempérer, qui floute les règles encadrant le port d’armes par la police et ouvrant la voie à de tels drames.
2. La démission de G. Darmanin
3. Le dépaysement de l’enquête judiciaire sur le policier pour que les magistrats d’un autre tribunal puissent enquêter de manière objective, indépendante et impartiale.
4. La refondation d’une police républicaine, contrôlée démocratiquement par le peuple.
5. L’élection d’une assemblée constituante, afin de doter la France d’une nouvelle Constitution garantissant l’exercice et le contrôle du pouvoir par le peuple.
Les signataires :
David Arabia
Josselin Aubry
Chloé Beignon
Aurélie Biancarelli-Lopes
Hugo Blossier
Hadrien Bortot
Nicole Borvo Cohen-Séat
Marie-Pierre Boursier
Patrice Cohen-Séat
Juan Francisco Cohu
Manel Djadoun
Rosa Drif
Anaïs Fley
Théo Froger
Nadine Garcia
Grégory Geminel
Laureen Genthon
Antoine Guerreiro
Robert Injey
Marie Jay
Noâm Korchi
Colette Mô
Nuria Moraga
Frank Mouly
Hugo Pompougnac
Alban Rapetti
Aurélien Riou
Jules Rondeau
Katia Ruiz-Berrocal
Lydia Samarbakhsh
Bradley Smith
Lola Sudreau
Armeline Videcoq-Bard
Alix Vinçont
Pour participer, envoyez un mail à contact@nosrevolutions.fr