Séance très particulière, ce vendredi 25 juin, du conseil municipal de Nice, puisque Chrisitan Estrso,i au travers un plan de valorisation du patrimoine, a fait voter une délibération portant l'abrogation des délibérations de 1892 et 1954 attribuant des locaux municipaux à la bourse du travail et à la CGT.
Une décision qui ne doit rien au hasard puisque annoncée entre les deux tours de l'élection présidientielle... Une action est engagée auprès du TA et dans la journée la CGT doit décider des suites qu'elle donne à cette décision arbitraire.
Ci-dessous l'intégralité de mon intervention au conseil municipal sur cette question.
« C’est une délibération importante qui pointe deux aspects de l’histoire de notre ville qui, contrairement à ce que je peux lire ou entendre, ne s’opposent pas l’un à l’autre.
Le premier aspect, c’est le patrimoine de notre ville et sa mise en valeur.
Qui pourrait s’y opposer d’ailleurs?
Et de ce point de vue fous sont les élus qui dans les années 70 ont pris la décision d’installer là, place Saint François, le service du nettoiement.
Notre ville recèle des richesses architecturales souvent oubliées ou inconnues. Chacun d’entre nous espère qu’un jour nous puissions mettre enfin au jour –au-delà de quelques morceaux de poterie- des traces de l’occupation du site par les phocéens.
Cette richesse, n’est pas propre au Vieux Nice, c’est souvent le cas des centres historiques des villes. C’est le cas de Marseille ou bien encore de Paris. Et trouver les formes pour que la vie continue tout en mettant en évidence ces éléments de notre passé est important et n’est nulle part chose impossible.
De la même manière il m’apparait important que Nice se dote enfin d’un musée qui retrace l’histoire de notre territoire, avec une véritable ambition muséographique.
J’ai eu l’occasion de visiter le Musée de la Corse à Corté, au cœur de la citadelle, et j’ai toujours du mal à comprendre que ce qui est possible à Corté ne le soit pas à Nice.
D’un point de vue muséographique, le palais communal comme l’Aigle d’Or ne sauraient répondre à cette ambition.
Si nous avions l’ambition d’un espace muséographique pour retracer l’histoire de plus de 2500 ans d’occupation humaine, depuis l’arrivée des phocéens, seuls 2 lieux semblent, à mon avis répondre, à cette exigence.
Il y a le palais Sarde qui, je pense, doit servir à autre chose qu’à des logements de fonction et l’organisation des soirées électorales.
Il y a la caserne Filley. Localisée dans un lieu plus symbolique et mieux adapté par l’espace immense concerné, avec une charge historique importante. En effet elle jouxte l’église St Augustin, où les moines de l’ordre des Augustins s’établirent en 1405, où Martin Luther fit un passage en 1510 et où fut baptisé Garibaldi. Une caserne située au pied des fortifications de l’ancienne citadelle et fait face au monument de Catherine Ségurane.
Si nous voulions une véritable espace muséographique digne de la 5èmeville de France et de son histoire, je pense que c’est là qu’il faudrait le concevoir.
Dommage que dans votre délibération il n’y ait pas trace de cette ambition.
Mais l’essentiel en vérité n’est pas là.
Et là ne tournons pas autour du pot, à chaque fois qu’on a tenté de faire partir la CGT de la place St François c’est au prétexte de la création d’un lieu sur l’histoire locale
L’affaire n’est pas nouvelle, déjà Jacques Peyrat si était employé.
L’argument archéologique et la reconfiguration de la place St François sont des prétextes.
De ce point de vue une petite erreur dans les considérants est assez significative. Page 3 de la délibération, les premiers relevés archéologiques effectués concernant l’Aigle d’ Or ne datent pas de mars 2010, mais du printemps 2006, avec une publication dès 2007 (« Le couvent des frères mineurs de Nice » article de Fabien Blanc, Revue ARCHEAM n°14 de 2007, page 95 à 118) .
Donc bien avant la signature du protocole d’accord de 2009.
Prétexte, car à l’exception du sous-sol et d’éléments de façade, le bâtiment de l’Aigle d’Or en lui-même ne recèle aucun trésor architectural. La preuve, avec l’assentiment des bâtiments de France une massive cage d’ascenseur vient d’être édifiée sur 4 étages.
Un prétexte pour tenter d’effacer une autre réalité historique, qui continue aujourd’hui, c’est celle du mouvement ouvrier et de la place de la CGT.
Un prétexte pour, aujourd’hui, nous proposer ni plus ni moins d’abroger les délibérations du 20 octobre 1892 (mais là il y a accord de fait puisque cela concerne l’ancien palais Communal), mais surtout d’abroger la délibération du 12 avril 1954 affectant l’Aigle d’Or à la CGT. Une délibération présentée par Jean médecin lui-même.
C’est le deuxième aspect de cette délibération, la présence de la CGT sur la place St François que, de manière très artificielle, vous voulez opposer à la mise en valeur du patrimoine.
Depuis 1892, la place St François est marquée par cette présence du mouvement ouvrier et particulièrement par la CGT depuis 1895.
La place Saint François est le siège d’une des 5 bourses du travail historiques en France.
Une présence ponctuée par les grands mouvements sociaux, les grandes conquêtes sociales.
Une présence marquée, et c’est particulièrement vrai pour l’Aigle d’or réquisitionné à la libération, par la Résistance.
A plusieurs reprises par le passé dans ce conseil, et avec beaucoup d’émotions, vous nous avez parlez de votre grand père.
Pour la première et la dernière fois permettez-moi de vous parler du mien.
Pour l’avoir vu quand j’étais plus jeune, j’ai recherché une photo de mon grand-père dans les locaux de la bourse du travail en 1936.
Je ne l’ai pas encore retrouvé, mais en cherchant je suis tombé sur d’autres documents.
L’ordre d’appel sous les drapeaux pour rejoindre le centre de mobilisation d’infanterie à Saint Jean d’Angely en date du 25 août 1939, des diplômes de la Résistance en date du 4 septembre 1944, des veilles coupures de journaux relatant le procès et la condamnation de la voisine qui dénonça mon grand-père à la Feld-Gendarmerie en 1944.
Heureusement lui a pu s’en sortir, prendre une part active à la libération de Nice dans son quartier, bd Gambetta, et par la suite reprendre son activité syndicale à l’Union Locale de Nice, place Saint François, et dans sa branche d’activité dont il était le responsable sur Nice.
J’ai d’ailleurs retrouvé à cette occasion une carte de la CGT daté du 1ermai 1945.
Mais si mon grand-père en pu s’en sortir ce n’est pas le cas de tous.
A cet instant me reviennent 2 noms Virgile Corbani secrétaire départemental de la CGT assassiné en août 1944, dont une plaque perpétue le souvenir sur l’ancien palais communal, et Jean Baptiste Malausséna employé de la ville de Nice fusillé avec d’autres le 15 août à l’Ariane.
Monsieur le maire la présence de la CGT sur la place St François, elle a une légitimité historique depuis 120 ans, mais elle a aussi la légitimité du sang versé.
Le respect du passé et sa mise en valeur de notre patrimoine doit et peut se conjuguer avec cette histoire-là.
C’était d’ailleurs l’esprit qui a animé la CGT quand elle a engagé avec vous des discussions et signé un accord en 2009.
Respect du patrimoine, respect du passé, respect des engagements.
Même si je ne partage pas le projet du Nice Stadium, je comprends votre colère quand l’Etat ne respecte pas les siens dans l’affaire du financement du Musée du Sport
Je fais miens vos propos rapportés dans l’édition de samedi de Nice-Matin concernant cette affaire, où vous demandez à l’Etat d’honorer sa parole.
Dans le cas de l’Aigle d’or je vous demande aussi d’honorer la parole et l’engagement de la ville de Nice lors de la signature de l’accord avec la CGT
Monsieur le Maire, nous sortons d’une période électorale chargée.
Votre camp a perdu un scrutin, localement vous en avez gagné un autre.
Dans cette période les uns et les autres nous avons eu de fortes poussées d’adrénaline.
Je mets sur le compte de cette poussée d’adrénaline votre annonce entre les deux tours de l’élection présidentielle de ne pas faire revenir la CGT place St François.
Persister dans cette posture serait une erreur.
Aussi je vous propose de retirer cette délibération.
Et je vous suggère de reprendre le fil de la discussion avec l’organisation concernée, car sans doute dans le cadre d’un projet de valorisation du patrimoine il y a deux-trois choses à revoir par rapport à l’accord signé.
La place Saint François doit-être le témoin de la présence des Franciscains jusqu’en 1792, il y a 220 ans et de la présence actuelle du mouvement ouvrier depuis 120 ans.
Lier le passé et le présent c’est permettre à la place Saint François de demeurer un véritable lieu de vie.
Personnellement c’est mon ambition pour cette place.
Nice le 25 juin 2012
Robert INJEY
Conseiller municipal de Nice