Il faut lire le texte ci-dessous. C’est l’édito du mardi 21 avril du journal « Les Echos ». Il décrit un phénomène qui prend de l’ampleur celui du rachat d’actions.
En résumé :
A : les grandes entreprises n'ont plus de projets assez excitants pour garder l'argent que les actionnaires leur ont confié. Elles préfèrent le leur reverser. C'est le capitalisme qui tourne à l'envers.
B : « l'«avidité » des actionnaires » (…). Ils (les actionnaires) exercent une pression croissante pour récupérer toujours plus d'argent. »
C : « si les patrons cèdent à la pression, c'est parce qu'ils sont en panne de projets. Ou, pour être plus précis, en panne de projets assez rentables pour séduire leurs actionnaires. »
D : « avec cet argent extirpé de firmes essoufflées, les actionnaires doivent en principe investir… ».. sic !
Dans les faits : Sanofi a consacré 898 millions d’euros pour les rachats d’action en 2015, Carrefour 556 millions (1). Cette situation rend encore plus insupportable l’affaire du CICE , puisque pour 2014 Sanofi a perçu 16,5 millions d’euros et Carrefour 126 millions (C’est une estimation car Carrefour ne veut pas communiquer le chiffre…)(2).
Les grands groupes aujourd’hui croulent sous les liquidités et comme les flux financiers libérés par la BCE tout cela va vers l’achat d’action. Une nouvelle bulle financière se met en place déconnecté totalement le l’économie réelle. Et pendant ce temps là nos gouvernants continuent d’avoir pour seule boussole de répondre à « l'«avidité » des actionnaires .
Tout cela renforce l’exigence de mettre en place d’autres choix…..
RI
Edito des Echos (21 avril 2015)
« Aux Etats-Unis, le rachat d’actions est une industrie. Les entreprises y consacrent plusieurs centaines de milliards de dollars. En France, c'est seulement un artisanat. Les grands groupes français pourraient dépenser cette année plus de 15 milliards d'euros pour racheter leurs actions, montant le plus élevé depuis le record de 2007. Mais le symbole est exactement le même : les grandes entreprises n'ont plus de projets assez excitants pour garder l'argent que les actionnaires leur ont confié. Elles préfèrent le leur reverser. C'est le capitalisme qui tourne à l'envers.
La frénésie de « buyback », comme disent les Anglo-Saxons, s'explique bien sûr par ce qu'ils appellent l'« avidité » des actionnaires. Ces dernières décennies, ils ont renforcé leur pouvoir dans la gouvernance des groupes. Ils exercent une pression croissante pour récupérer toujours plus d'argent. La faiblesse des taux d’intérêt renforce encore leur appétit : les autres placements comme les obligations ne rapportent plus rien, les entreprises ne peuvent plus faire fructifier leur trésorerie et peuvent en revanche emprunter à taux presque nul de quoi racheter leur capital.
Les dirigeants des grandes entreprises sont rarement fiers de ces programmes de rachat. A vrai dire, on n'a jamais rencontré un PDG heureux de rendre de l'argent à ses actionnaires (à l'exception de quelques détenteurs d'un paquet d'actions de leur entreprise). Tout au plus certains directeurs financiers parviennent-ils à être convaincants quand ils expliquent qu'un rachat d'actions permet de redistribuer un profit exceptionnel sans créer chez les actionnaires une espérance délirante de dividendes. Mais si les patrons cèdent à la pression, c'est parce qu'ils sont en panne de projets. Ou, pour être plus précis, en panne de projets assez rentables pour séduire leurs actionnaires. Autrement dit, le grand futur ne s'écrira pas dans les grandes entreprises. Même si elles s'appellent General Electric, Toyota ou Apple.
Si les rachats d'actions sont de mauvais augure pour l'avenir des géants d'aujourd'hui, ils ne signifient pas pour autant la mort du capitalisme. Car, avec cet argent extirpé de firmes essoufflées, les actionnaires doivent en principe investir dans de jeunes pousses prometteuses. En principe, car cela suppose que cet investissement soit facilité et encouragé sans être pénalisé par des impôts stupides ou des normes prudentielles idiotes. Sinon, le capital va ailleurs - dans l'immobilier stérile, des matières premières devenues ainsi spéculatives, voire des bas de laine. Dans tous les pays avancés, bâtir des canaux pour faire couler l'argent vers les projets d'avenir constitue un défi. En France, il faut creuser dans la montagne »