Ils y pensent tous ! Si le scrutin présidentiel est dans 20 mois, cette rentrée politique aura été marquée par cette question : qui pour 2022 ?
Alors que les préoccupations du moment sont très fortes, avec une crise sanitaire qui se prolonge et une crise économique et sociale qui s’annonce très dure, on aurait pu penser que la question de la présidentielle n’était pas la préoccupation du moment. Détrompons-nous.
Une présidentialisation à outrance des institutions
Le scrutin peut paraître très loin, mais la mise en place du quinquennat et l’inversion du calendrier (C’est à dire, rappelons-le, systématiquement maintenant la présidentielle précède les législatives, faisant de ce scrutin hier majeur, une simple validation du résultat de la présidentielle), font de l’élection présidentielle le scrutin autour duquel s’articule toute la vie politique. Une dérive de nos institutions qui, de fait, avec l’affaiblissement de la démocratie communale au profit des intercommunalités et l’éloignement des centres de décision, rend de moins en moins représentative notre démocratie.
À cette dérive institutionnelle s’ajoute une circonstance qui en renforce tous les effets pervers : celui de la présence plus que probable de l’extrême droite au second tour de la présidentielle. Depuis 2014 sur les scrutins nationaux (Européennes et présidentielle) le RN (ex FN) arrive en tête ou second avec entre 21 et 25 % des suffrages. Dans ces conditions tout se joue en fin de compte non pas au second tour, mais dès le premier. Et c’est bien la raison pour laquelle la grande question qui se pose est de savoir qui va affronter le Pen au second tour.
Emmanuel Macron espère, comme en 2017, réaliser un hold-up en misant, non plus cette fois ci sur l’effet de surprise, mais surtout sur les divisions de la droite et de la gauche pour se retrouver au second tour. Ayant fait exploser le PS, sa priorité n’est plus d’en récupérer les restes, mais de s’étoffer au détriment de la droite. La composition de son gouvernement de ce point de vue en est la parfaite illustration, et la mise en scène ces derniers jours de la thématique sécuritaire montre cette volonté de plaire à l’électorat de droite. Le programme de Macron étant plus que compatible avec celui de LR, Christian Estrosi est très pragmatique quand il propose à LR de s’accorder avec Emmanuel Macron. Il ne fait que le constat de l’incapacité de LR aujourd’hui de porter un candidat qui puisse affronter le président sortant.
À gauche, si tout le monde parle de la nécessité de se rassembler, c’est aussi la grande floraison des candidats potentiels. Jean-Luc Mélenchon, fort des deux campagnes précédentes, se voit bien comme le candidat commun ; les écologistes et plus particulièrement Yannick Jadot et Eric Piolle, forts de leurs poussée électorale aux européennes et aux municipales, se voient bien candidats. Le PCF, par la voix de son secrétaire national Fabien Roussel affirme que « si certains pensent que le PCF, comme en 2012 et en 2017 ne présentera pas de candidat, eh bien je le dis à tout le monde : vous vous trompez ». Et du côté du PS, alors que l’actuelle direction tente de retisser les liens avec l’ensemble de la gauche, c’est le retour des éléphants qui, à l’image de François Hollande affirme qu’il « ne peut y avoir une al- ternative à gauche sans une grande force centrale et le PS a le devoir de jouer ce nouveau rôle »...
Les défis pour la gauche
Au-delà des déclarations d’intention et des postures la gauche est confrontée à, au moins, trois défis : D’une part c’est celui du rassemblement. Si elle part désunie en 2022 elle est sûre d’une chose : c’est la porte ouverte à cinq années de plus de présidence Macron, avec toutes les conséquences sociales et économiques que cela implique. Un cauchemar !
Pour pouvoir empêcher ce scénario il faudra trouver la procédure pour désigner le ou la (chacun aura pu remarquer que pour l’instant il n’y a que des hommes qui se proposent...) candidate pour affronter la présidentielle. Ce n’est pas la moindre des difficultés.
D’autre part c’est retrouver ou trouver un électorat. Même unies, tout au moins pour une grande partie d’entre elles, il faudra aux forces de gauche aller à la recherche des millions d’électeurs perdus avec le catastrophique mandat de François Hollande. Depuis le quinquennat de ce dernier le total gauche dépasse rarement les 27 %. Cette désaffection électorale pour la gauche, si elle se réduit au moment des élections locales, devient massive au moment des scrutins nationaux.
Enfin c’est le défi du contenu. Sur quel contenu la gauche peut-elle se rassembler ? Si entre le PCF, la France Insoumise ou bien encore Génération.S il y a des convergences significatives, avec une partie, au moins, d’EELV et du PS il y a des divergences conséquentes sur, par exemple, la question européenne ou l’anti-libéralisme.
Dans l’immédiat chacun s’attelle à préparer les prochaines échéances, en particulier les Régionales de 2021, couplées avec les Départementales, qui seront en quelque sorte le moment de vérifier la réalité des intentions des uns et des autres et d’en mesurer les résultats. Ce sera aussi, sur la question du contenu d’une véritable alternative, le moment de se confronter, d’élaborer, de construire des projets, non pas sur la base du plus petit dénominateur commun, mais sur les ruptures nécessaires à engager pour répondre aux attentes de notre peuple.
Robert Injey