Alors que les travaux de la COP 27 s’ouvrent à Charm El-Cheikh, en Egypte, les inquiétudes se font de plus en plus grandes sur la capacité de la communauté internationale à répondre à l’urgence du dérèglement climatique.
Les dernières déclarations du secrétaire général de l’ONU sont sans équivoque: le monde file vers « une catastrophe mondiale », les engagements des Etats ne sont « pitoyablement pas à la hauteur » . Le graphique qui illustre cet article met en évidence que la consommation d'énergie primaire à partir des énergies fossiles ne cesse de progresser. Les analystes font preuve d’un grand optimisme quand ils prévoient que la consommation des énergies fossiles pourrait atteindre son pic vers 2030 puis plafonner jusqu'en 2050 avant de baisser très lentement. Plusieurs raisons à cela:
Certes la production des énergies non productrices de CO2 augmente aussi, mais elles ne représentaient en 2019 que 14% de la production mondiale d’énergie primaire directe . Après un léger tassement en 2020 et 2021 en lien avec le ralentissement économique, la consommation d'énergie primaire repart à la hausse, et avec elle celle des énergies fossiles. Et les perspectives ne sont pas rassurantes. Si les énergies renouvelables (éolien, solaire) progressent, dépassant même pour la première fois, en 2021, l’apport du nucléaire, nous sommes encore très loin d’avoir une alternative aux énergies fossiles pour répondre aux besoins.
Concernant le nucléaire, celui-ci est en léger recul à l'échelle planétaire en raison de la sortie du nucléaire de certains pays mais aussi des contraintes de maintenance à l’image de la France. Mais même si on voulait relancer - comme c’est l’ambition d’Emmanuel Macron avec les EPR- une production d'origine nucléaire, celle-ci ne serait pas effective avant 2035. Par ailleurs, une telle alternative de recours au nucléaire n’est accessible qu’à un nombre limité de pays qui possèdent tout à la fois la technologie, les finances et qui offrent des conditions de stabilité. Au-delà des critiques habituelles sur le nucléaire, les incertitudes autour des centrales de Tchernobyl et de Zaporojie au cœur du conflit en Ukraine rappellent l’illusion que le nucléaire soit une solution à l’échelle de la planète où, rappelons-le, l’instabilité prédomine le plus souvent, avec à l‘heure actuelle plus d’une trentaine de guerres, souvent oubliées.
Le recours massif aux énergies fossiles toujours d’actualité pour de nombreux pays
Et pendant ce temps-là, à travers la planète, pour répondre aux besoins, faute d’une alternative, c’est toujours le recours massif aux énergies fossiles. L’exemple de l’Inde est assez révélateur: de nouvelles mines de charbon étaient mises en exploitation en 2021 et en 2022 alors que l’Inde est déjà le troisième émetteur mondial de CO2, et que le charbon représente 70% de sa production énergétique.
Des besoins qui explosent à travers la planète avec le phénomène de métropolisation qui s'accélère en Asie et en Afrique.
Au rythme où nous sommes partis il est plus que probable que nous irons consommer jusqu’au dernier baril de pétrole, la dernière tonne de charbon le dernier M3 de gaz (1)
Tout cela nous mène droit vers une catastrophe sans précédent. Rapport après rapport, étude après étude, le GIEC et les scientifiques constatent, année après année, que les scénarios les plus pessimistes se révèlent être les plus réalistes.
Cette réalité n’épargne pas la France. Et même si nous pouvons nous «rassurer» que nous émettons relativement peu de C02 grâce au parc nucléaire, comme le nuage de Tchernobyl, le dérèglement climatique ne s’arrêtera pas à la frontière. Et la France, de par sa situation géographique, sera très fortement impacté.
L’accord de Paris (2015) prévoyait, d’ici 2050 la décarbonation totale de la production d'énergie. Il s’agissait donc, d’ici 2050, de se passer totalement de pétrole, de charbon, de gaz naturel…, soit des sources d’énergie qui alimentent aujourd’hui 80 % de l’énergie consommée dans le monde, les trois quarts de celle consommée en Europe. (En France, cette part tombe à 50 % en raison du parc nucléaire important.)
L’objectif de l’accord de Paris était de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel . Nous en sommes très loin. Aujourd’hui, 7 ans après l’accord de Paris nous sommes - pour l’instant- sur une projection à +2,6 voir +2,8° d’ici à la fin du siècle.
Les dirigeants de la planète auront-ils le courage à la COP 27 d’aller non plus à des mesures indicatives mais à des mesures contraignantes ?
Les pays occidentaux, toujours les principaux producteurs de CO2, auront-ils le courage de remettre en cause le dogme édicté par le président George Bush, dès son arrivée à Rio en juin 1992 lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (CNUDD) « Le mode de vie américain n’est pas négociable»?
Les principales puissances économiques vont-elles permettre aux pays en voie de développement d’avoir les moyens pour développer des alternatives à l’utilisation des énergies fossiles, et abonder en ce sens le fond de 100 milliards de dollars déjà prévu lors de la COP de Copenhague?
Au final la quête effrénée d’un système vers toujours plus de profit va-t-elle continuer à prévaloir sur le devenir de la planète et des humains ?
Ce n’est ni plus ni moins l’enjeu qui est devant nous.
Robert Injey
(1) Les réserves mondiales prouvées d'énergie fossile pouvaient être estimées en 2020, selon l'Agence fédérale allemande pour les sciences de la Terre et les matières premières, à 83 ans de production au rythme actuel ; cette durée est très variable selon le type d'énergie : 56 ans pour le pétrole, 54 ans pour le gaz naturel, 139 ans pour le charbon.