Il aura suffit d'un visuel pour que certains, à gauche, se mettent en colère. Le fameux visuel qui secoue une partie de la gauche n'est que la conséquence, maladroite, d'un acte dont on ne mesure sans doute pas l'importance: celui de l'abstention du PS sur la motion de censure concernant le budget de l'Etat et celui de la Sécu.
Le moindre conseiller municipal, dans le plus petit village de France, sait pertinemment que le vote d'un budget est l'acte qui détermine: qui est dans la majorité municipale et qui est en dehors de cette majorité. En décidant de ne pas voter la motion de censure, le PS, de fait, se place dans la galaxie de la majorité macroniste. On pourra toujours disserter pendant des heures sur ce que le PS a pu arracher ou pas, ou bien sur le chaos annoncé (comme en 2005 lors du référendum sur le TCE) en cas de rejet du budget, au final c'est la ligne Macron/Bayrou qui l'emportent, sur un budget encore plus mauvais que celui de Barnier.
Cela n'a été possible que par deux «alliances» de circonstance, Macron/Bayrou-PS d'un côté et Macron/Bayrou-RN de l'autre. Ce sont ces deux alliances de circonstance qui évitent la censure. Depuis, à gauche, les uns et les autres s'excitent et s'invectivent . Ceux qui n'ont pas crié au scandale sur le non vote de la censure par le PS crient maintenant au scandale contre le LFI et inversement. Et pendant ce temps-là, Macron s'amuse. Car il vient de réussir son coup en neutralisant le PS et par la même diviser le NFP, ouvrant ainsi une brèche dans le front uni face à sa politique de régression sociale.
Le drame dans cette affaire c'est qu'une partie de la gauche tente de temporiser, de négocier à reculons alors que la désespérance sociale est immense et que l'extrême droite et le patronat ( regardons bien ce qui se passe aux USA, Trump/Musk c'est tout sauf du folklore) sont en embuscade pour tout démanteler. A force de ne pas vouloir choisir, clairement, le chemin des ruptures avec les logiques libérales, une partie de la gauche crée les conditions de l'arrivée de l'extrême droite. Là encore regardons ce qui a pu se passer aux USA, en Argentine où dans différents pays d'Europe, à force de renoncements, le centre gauche a été balayé par l'extrême droite
Et la France n'est pas épargnée. Il suffit pour s'en rendre compte de voir comment évolue le débat national, en quelques jours, depuis la non censure du gouvernement Bayrou: c'est la remise en cause du droit du sol par des ministres, une porte parole du gouvernement qui annonce l'instauration d'une «dose» de préférence nationale pour le versement des prestations sociales, sans parler du 1er ministre qui veut ouvrir le débat sur «l'identité française».
Quand un côté de la barricade flanche, l'adversaire de classe en profite pour pousser son avantage. Et l'opposition aujourd'hui ce n'est pas «entre une gauche qui travaille et celle qui braille», c'est entre la gauche qui a renoncé depuis longtemps à changer la société et celle qui conserve cette volonté et ne se résigne pas à la régression sociale.
On ne réussira pas à faire reculer la droite et l’extrême droite en recyclant les vieilles recettes libérales qui ont échoué et en ressortant de la naphtaline des personnes qui les incarnent.
Robert Injey