Le conseil communautaire de Nice Côte d'Azur vient d'acter le lancement de la métropole niçoise. Première du genre, dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010, cette mise en place illustre à sa manière la dérive quasi-féodale que porte cette conception des métropoles avec la concentration de la quasi-totalité des pouvoirs dans les mains d'un seul individu, Estrosi dans le cas présent. Les populations sont bien évidememnt absentes de ce processus, quand aux maires (45 au total) , ceux qui ne seront pas vice-présidents (limités par la loi à 15) seront sans doute chargés de mission... être redevable au suzerain, c'est le propre du lien féodal....
Ci-dessous mon intervention lors de cette séance.
RI
Monsieur le Président,
La délibération proposée ce soir est grave et marque une rupture profonde dans la vie démocratique de nos territoires et de nos communes.
Depuis la nuit des temps, les peuples aspirent à être maitres de leur destin et s'opposent à tous les despotes qui prétendent décider à leur place.
Ici même, Nice c'est dotée dès le 12ième siècle d'un consulat élu pour gérer la ville.
Aujourd'hui ce n'est pas au nom du peuple et pour le peuple qu'on nous impose, en catimini, d'en finir quasi totalement avec un des piliers de notre démocratie, la commune. Non c'est au nom de la compétitivité, de la concurrence entre les territoires et d'une cohérence qui ne profite qu'aux grands groupes privés et aux marchés financiers.
La décision que vous nous forcez à prendre aujourd’hui, s’inscrit très logiquement dans votre vision des métropoles et des pôles métropolitains portée par la loi du 16 décembre 2010, une vision inégalitaire du développement et de l'aménagement du territoire.
Une vision au seul service de l'intérêt de quelques grands groupes financiers, en liquidant totalement une des valeurs de la république: la solidarité.
Solidarité entre les générations, solidarité entre les territoires, tout cela l'UMP n'en veut plus.
Avec la loi qui créée les métropoles vous prétendez simplifier le paysage institutionnel. La réalité c'est que nous sommes passés de quatre échelons – commune, intercommunalité , département et région – à dix : commune, commune nouvelle, intercommunalité, ancien canton – les chefs-lieux qu’il faut garder –, territoire, département, métropole, pôle métropolitain, région, et collectivités « sans nom », avec la fusion départements-région et les interrégions à venir.
Autrement dit, nous sommes passés du millefeuille, certes perfectible, mais qui avait du goût à un pudding indigeste !
Mais l'essentiel pour vous n'est pas que cela aie du goût, mais bien que les citoyens soient dissuadés de s'en mêler.
Vous prétendez la mise en cohérence: mais laquelle ?
Celle de répondre aux besoins de nos concitoyens ou bien aux exigences de rentabilité à deux chiffres des actionnaires du CAC 40?
La Métropolisation c'est permettre aux grands groupes privés de faire main basse sur ce qui est aujourd’hui assuré par les entreprises locales et les services publics.
Les entreprises et les services publics peuvent bien se réduire à la portion congrue. Bouygues, Vinci et quelques autres prendront la suite.
C’est déjà le cas pour la construction et le fonctionnement d'équipements publics comme le Nice Stadium, et les nouvelles crèches jetées en pâture aux appétits de grands financiers AGF, Allianz, Vinci…, dans le cadre des partenariats public privé, qui n’ont de partenariat que le nom.
Les usagers et contribuables paieront, les actionnaires empocheront.
Plus rien ne pourra se décider et se contrôler localement. Certes, formellement les communes continueront d’exister. Mais comme le prévoyait le rapport Balladur, elles vont s’évaporer, elles disparaîtront peu à peu, sans que le législateur, ni le peuple, n’aient eu à en décider.
Au final, elles seront totalement vidées de toute substance, elles seront devenues des coquilles vides.
Ainsi, nos communes foyers du débat démocratique local et national, ces lieux de construction de lien social vont disparaître. Les besoins quotidiens de nos concitoyens ne seront plus pris en compte, ou plus exactement ils seront noyés dans une grosse machine administrative, sur laquelle ils n’auront plus de prises.
Les conseils municipaux n’auront plus aucun pouvoir.
La proximité n'aura plus qu'un seul visage, celui d'un numéro vert.
Et pour être certain que nos concitoyens n’auront pas la mauvaise idée de vouloir réagir, vous voulez régler l'affaire en catimini, sans débat public.
Le débat démocratique est nécessaire. Les sénateurs l'avaient bien compris puisqu'ils avaient adopté le principe de la consultation des citoyens pour les fusions de communes.
Hélas, à l’Assemblée Nationale votre majorité l’a supprimé !
Le débat dérange, l'avis de notre peuple dérange et pour être sûr que celui-ci ne se mêlera pas de cette affaire, le calendrier qui nous est imposé oblige les conseils municipaux à s'exprimer pendant la période estivale.
La force de l'abstention lors des dernières élections devrait, monsieur le président, vous interpeller sur le décalage grandissant entre les institutions et notre peuple.
Un seul exemple en mars 2008 vous êtes élu maire de Nice avec seulement 24% des inscrits.
Sur Nice le 27 mars de cette année, sur 8 cantons, ils ne sont que 3, Olivier Bettati, Benoit Kandel et Jacques Victor à dépasser au second tour les 20% des inscrits.
Et dans cette situation dramatique de la démocratie représentative, vous persistez, vous continuez, vous aggravez le fossé démocratique.
L'aspiration démocratique des peuples c'est un peu comme l'eau. On peut essayer de la contenir, mais elle finit toujours par déborder pour retrouver sa liberté et son chemin vers la mer. Et quand elle déborde plus rien ne l'arrête, vos anciens amis, Moubarak et autre Ben Ali, en savent quelque chose.
Au-delà de cette délibération, ce qui s'oppose aujourd'hui se sont deux conceptions de la démocratie locale.
-Nous avons une conception axée sur la proximité entre les élus et les citoyens, là où la vôtre éloigne chaque fois un peu plus les citoyens des lieux de décisions.
-Notre conception est fondée sur la libre administration des collectivités territoriales, là où le fait du prince dessine à la hache la carte de l'intercommunalité et de la Métropole en fonction d’une circonscription électorale, la votre.
-Notre conception ne tourne pas le dos à la ruralité, où les fermetures de bureaux de poste et de services publics sont autant de catastrophes ! La vôtre, au contraire, aggrave cette disparition de l'intervention publique dans nos territoires.
-Notre conception est fondée sur l'humain et la dimension humaine de nos territoires, là où la vôtre vise à créer des entités globales, des grands ensembles, comme la métropole Nice Côte d’Azur, vaste usine à gaz technocratique et sans visage, uniquement vouées aux exigences des marchés financiers
-Notre conception est fondée sur le soutien et la création d'emplois publics, si importants dans la lutte contre la crise, quand votre projet a pour objectif principal la suppression de dizaines de milliers de postes de la fonction publique territoriale pour livrer les services publics locaux au privé et supprimer les moins rentables.
-Notre conception s'appuie sur nos communes et sur les élus municipaux, ces élus de proximité plébiscités par les Français qui font vivre la République au jour le jour, pour répondre aux besoins de leurs administrés.
La votre, au nom de la compétitivité, avec la concentration de la quasi-totalité des pouvoirs dans les mains d’un seul, c’est une conception quasi totalitaire, c'est le retour d'un lien féodal.
Pour toutes ces bonnes raisons nous voterons contre cette délibération.